
Et c'est reparti pour un nouveau service ! À l’occasion du festival NAME qu’organise son collectif Art Point M, Fanny Bouyagui remet le couvert avec l’installation Soyez les bienvenus – un an après. Dans la « jungle » de Calais, elle photographie les migrants, portraits qui finissent sur les pochettes des vinyles édités par le festival… À l’occasion d’un séjour touristique de quelques jours seulement à Agadez, au nord du Niger, elle rapporte le plus de « clichés » possible des candidats à l'exil… L’artiste s'attaque maintenant aux migrants qui ont réussi, à ceux qui sont passés de l'autre côté de la Méditerranée, près de Naples plus précisément.
Rien de bien neuf au menu. Fanny Bouyagui n’est ni la seule artiste, ni la première d’ailleurs, à avoir fait des victimes du néolibéralisme et de la mondialisation l’objet de sa démarche. Vient bien sûr à l'esprit le travail de Santiago Sierra qui, à travers des performances, des installations, des photographies ou des vidéos souvent radicales, aborde directement l’exploitation des populations pauvres dans les sociétés modernes. Afin de mettre à nu les structures d’une économie globalisée, l’artiste espagnol n’hésite pas à se jouer du système. Il paie par exemple sans-abri ou sans-papiers pour faire (ou pour subir) des gestes gratuits, violents ou absurdes. Bien que parfois controversées, ses œuvres sont des actes qui, à la fois, offrent et nécessitent une lecture précise et exigeante de leur contexte géopolitique. À l’opposé des propositions de Fanny Bouyagui, dont la pauvreté plastique rivalise avec l'extrême lourdeur des dispositifs. Les installations sont sciemment racoleuses et faciles ; l’artiste recherche ici le spectaculaire et l'adhésion du grand public en le manipulant : « Peace », « Soyez les bienvenus ! »... Ce qui, de fait, empêche toute possibilité de critique sur le travail et sur l'exposition. Comment pourrait-on ne pas être d’accord avec cette fille d’immigré sénégalais qui cultive les bons sentiments ? Une telle stratégie tente de combler le vide de la démarche. Dans le fond, Fanny Bouyagui n'a pas grand-chose à dire ou à montrer. Elle ne propose ni un travail documentaire qui requerrait une rigueur d’analyse et de traitement, ni une œuvre plastique qui exigerait un solide cadre conceptuel.
Exploiter la misère. C’est précisément le sujet de Enjoy Poverty (Episode 3) (2008), œuvre réalisée au Congo par Renzo Martens et présentée lors de la dernière biennale de Berlin. L’artiste hollandais part du constat que la misère filmée ou photographiée est tout aussi lucrative que les exportations d’or ou de cacao. Dans une vidéo qui marie investigation journalistique, satire et regard critique, il pousse alors la logique capitaliste à la limite de l’absurde : pourquoi ne pas envisager la pauvreté comme une matière première ? S’en suit un programme d’émancipation à travers lequel l’artiste tente d’enseigner à la population africaine comment tirer parti de sa propre misère. En vain car ce business reste la chasse gardée des occidentaux, vrais propriétaires de la pauvreté. Et c'est ainsi que Fanny Bouyagui promène un regard voyeur et méprisant sur les laissés-pour-compte de la mondialisation. Comme en témoigne le texte de présentation de sa future exposition soutenue par le Conseil général du Nord et la ville de Lille : « À Castel Volturno, chaque matin, des milliers d’africains partent en bus à la recherche d’un job : du ménage au sexe en passant par les champs de tomates et la mozzarella. » Et pourquoi pas vinaigre balsamique et basilic ? Fanny Bouyagui et son collectif Art Point M ne connaissent visiblement pas la différence entre « sexe » et « travail sexuel ». Et ils se nourrissent décidément sans scrupule de la misère du monde.
NAME Festival 2010 du 17 au 26 septembre, exposition jusqu’au 31 octobre, www.lenamefestival.com
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